• Si Rosson m’était conté avec les Chevaliers de Saint-Lazare

    Si Rosson m’était conté avec les Chevaliers de Saint-Lazare

     

    Il était une fois….

    Il y a très très longtemps…..

    Ainsi commençaient contes et récits quand les Ninjas, les Supermans, Harry Potter et autres personnages étranges n’avaient pas envahi le monde des enfants.

    Il y a quelques dizaines d’années, nait à Leiges une petite fille nommée Jeanne. C’est moi.

    Très vite, mon père étant à la guerre, avec ma maman et mon frère je vais habiter à Ally, une grande maison à l’aspect de ferme fortifiée,. Dans ce village  va commencer ma scolarité et mon institutrice me fait découvrir le français ( en dehors de l’école on parle patois) et un peu d’histoire de France. Avec les autres gamins je mène la vie de tous les enfants de cette époque où l’instituteur est un personnage important et respecté. Pendant les récréations je partage avec les élèves : bagarres, fou-rires, disputes, jeux de rôle etc. Quand  je suis seule  je m’invente des histoires où je suis, paysan, damoiselle et tant d’autres personnages encore…Pour mieux vivre ces rêves je n’hésite pas à parcourir 5 km pour aller rejoindre mon refuge qu’il pleuve, vente ou neige. Mon lieu privilégié est le château médiéval de La Vigne Je reviens par ce même chemin me racontant à haute voix mes dernières  aventures sous le regard médusé des adultes.

    Au collège de Pleaux je découvre les beautés de la langue française, la magie de l’histoire avec les fastes des cours royales, la rudesse des guerres, la pauvreté du monde paysan, les fêtes dans les châteaux….

    Un de mes professeurs me surnomme « tambour major ». Effectivement je mène à la baguette, dans mes histoires rocambolesques, les autres enfants. Les copains obéissent à mes ordres : «  C’est moi qui suis le chef, suivez-moi ».J’ imagine des scènes de la guerre de 39/.45 et quand les garçons ne veulent pas tenir le rôle d’un allemand…je les tape. Un jour pour « faire plus vrai » je fais ramper « mes » allemands  dans un champ de sarrasin. Tout Pleaux connaissant le « caïd » le paysan va voir séance tenante ma mère.

    Plus que les faits d’arme c’est le monde de la chevalerie qui me fascine.

    Je vois des chevaliers partout : région, provinces,  villes mais surtout dans les rues de Pleaux.

    Je les imagine vêtus d’une robe, d’une cape portant ceinturon, dague ou épée…..

    Adulte je m’exile, avec René mon époux, à Paris et de nombreuses années après Pleaux me voit revenir….toujours aussi passionnée de chevalerie.

    J’habite le logement de fonction de la poste, construit… sur l’emplacement de la première église Saint-Jean. J’essaie de trouver des traces de ce passé et un jour, miracle, une partie du sol de la cave s’affaisse. Je demande à l’Abbé VERMANDE son avis. Celui-ci reconnaît la forme d’une tombe. C’est celle du chevalier Pierre de Pleaux  enseveli dans la chapelle dite de Lignerac en 1505. Grande déception pour moi. la tombe est totalement vide. Il n’y a même pas un minuscule fragment d’un objet  si insignifiant soit-il.

    Devant cette découverte pourtant si décevante, je suis maintenant totalement persuadée que des chevaliers ont vécu à Pleaux. Il ne me reste plus qu’à retrouver leur trace…démarche difficile mais tellement passionnante.

    Tel un rat de bibliothèque, je vais fouiller toutes les archives à ma portée, lire de nombreux documents, interroger des personnes,  pour retrouver peu à peu mes chers chevaliers.

    En 1992 j’écris et fais jouer l’histoire de Pleaux, de Charlemagne à Philippe le Bel. Je fais appel aux habitants, maire compris. A cette occasion, pour la première fois, l’étendard avec la croix verte flotte sur la ville. Les chevaliers de Saint-Lazare sont à nouveau chez eux.

     

     

    Les terres de Pleaux appartenaient à Euphasie, princesse d’Auvergne qui les donna, en 785, au monastère bénédictin de Charroux  (Vienne).  Charroux est un centre commercial important avec foires et marchés. C’est aussi un centre spirituel renommé. Des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle s’y arrêtent, des conciles s’y tiennent- Des reliques sont conservées dans l’abbaye Saint-Sauveur.

    Le Moyen-âge est, en tous domaines, une période très chaotique et devant les envahisseurs normands, les moines s’enfuient. Ils emportent avec eux une infime partie de leur trésor. Les pièces les plus importantes et les plus précieuses sont soigneusement murées dans les épaisses murailles de leur église.

    Certains arrivent à Pleaux et prennent en main l’organisation du village, initient à la vie agricole les paysans, développent la vie économique. Ils habitent leur monastère et l’église lieu de culte et d’asile. En cas d’invasion, quatre portes interdisent l’accès à la ville et  des coffres placés dans les bas- cotés de l’église reçoivent les objets précieux des habitants.

    Les religieux bénédictins se maintiennent à Pleaux jusqu’en 1580 environ. En 1830 leur succèdent les Carmes qui s’engagent  à construire une chapelle et un bâtiment.

    Comme tous les autres Ordres, celui de Saint-Lazare de Jérusalem prend une certaine importance avec l’arrivée des croisés en Terre Sainte et plus particulièrement à Jérusalem vers 1099..Comme tous les lazarets  ou léproseries celui de Saint-Lazare est situé hors les murs de la ville, contagion oblige.

    A l’origine cet ordre est essentiellement composé de frères lazaristes qui s’occupent plus particulièrement des personnes atteintes de la lèpre. Ces moines sont sous la juridiction du patriarche grec-melchite de Jérusalem. Ils soignent non seulement de simples  pèlerins mais aussi les membres de tous les autres ordres de Terre Sainte atteints de la lèpre et contraints   de quitter leur ordre pour rejoindre celui de Saint-Lazare. Une personne atteinte de cette maladie est bannie de la vie de la  cité.

    Après la prise de Jérusalem par Saladin en 1157 les chevaliers participent à la prise de Saint-Jean d’Acre en 1191, aux batailles de Gaza en 1244, Damette puis  Mansourah en 1241. Celle de Saint-Jean d’Acre en 1291 marque la fin de la présence occidentale en Terre Sainte.

    Suite à la perte de ses possessions en Terre Sainte, l’ordre regagne ses commanderies en France. Le Grand Maitre s’installe au château de Boigny sur Bionne près d’Orléans.

    Cinq autres commanderies existent en France. Ce sont, avec une fonction hospitalière : Saint-Antoine de Grattemont (Seine-Maritime), de La Lande d’Airou (Manche) et de Fontenay- le- Conte (Vendée). Ce sont des domaines agricoles et forestiers gérés pour en tirer revenus et bénéfices en partie reversés à Boigny la commanderie de Monlouist ( Orne) et  Rosson dans le Cantal.

    Cette dernière, outre le chef-lieu et ses dépendances, situés sur le territoire de Pleaux, la commanderie comprenait dans la paroisse de Saint Christophe, les maisons de Murat et de Molyères, ainsi que l’affar d’Alnogier, où se trouvait l’étang de Rosson.

    Sa suzeraineté s’étendait sur huit villages de ces deux paroisses : Le Verdier, Vabres, Limonès, Beaujaret, Prades, Lavergne, Lineth et Méganassère.

         Cette commanderie avait été fondée par les parents de Sanguine de Rosson, épouse de Hugues de Carbonnières et dotée par la maison de Biorc (*) et les comtes de Rodez avant l’année 1282. Son origine nous est révélée par un hommage en latin, daté de la maison conventuelle de Boigny, en date du 12 mai 1282.

         Hugues prit part à la septième croisade pendant laquelle il mourut.

         Le premier commandeur connu est frère Jean de Rosson, qualifié chevalier de Saint Lazare. Dans l’aveu qu’il fit en 1348, au cinquième Grand-Maître, il prend la qualité de commandeur de Rosson, et de Pasturat (Aveyron).

    A Jean de Rosson succéda comme commandeur un autre Jean de Rosson, son neveu. De 1357 à 1452 une lacune regrettable se produit dans la liste des commandeurs de Rosson, elle correspond aux deux périodes de l’invasion anglo-gasconne en Haute Auvergne, pendant lesquelles les environs de Pleaux ne furent pas épargnés.

    Avec Jean Le Cornu, dix-neuvième Grand-Maître, l’Ordre se ressaisit et la commanderie de Rosson sort de ses ruines.

    Le 5 septembre 1452, Frère Jean de Tixier précepteur de Rosson, conclut un marché avec Martial Richard, maçon, pour la reconstruction de la chapelle.

    Le 5 mai 1484, une reconnaissance fut fournie sous le nom de Gaudonet de Ribéri, commandeur de Rosson.

    Le 16 août 1599, Jean Astier figure comme commandeur de Rosson dans un bail à rente consenti par Antoine de Vigier, seigneur de Prades et de St Christophe.

     Le 22 septembre 1643, Dom Balthazard de Lemps, chevalier des ordres de N.D du Mont-Carmel et de St Lazare entre en possession de la commanderie de Rosson. La commanderie était dans un état de délabrement déplorable, pillée et ruinée au temps des guerres religieuses.

    Le chevalier de Lemps, ne pouvant demeurer sur place, donna Rosson à bail pour neuf ans, le 22 octobre 1640, aux RR. PP. Carmes de Pleaux, à charge de faire remettre la chapelle en bon état, d’y dire la messe les jours de Saint-Antoine et de Sainte Agathe, de payer les dimes etc…

    Le dernier commandeur nommé le 16 juin 1732, fut Claude de Montalembert, colonel réformé d’infanterie. Après son décès la commanderie resta vacante et les Carmes continuèrent à l’administrer, en dehors de l’Ordre.

    Le domaine de Rosson fut confisqué à la Révolution et vendu le 15 août 1794 comme bien national et adjugé en quatre lots. L’enclos, la maison et la chapelle vendus 9 000 francs à Michel Breuil. M. Justin Mialaret, du Verdier, a succédé comme acquéreur aux héritiers Breuil, le dernier propriétaire est M. Dayral.

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    De cette commanderie il ne reste que quelques vagues témoignages. Des bâtiments ne subsistent, au fond d’un jardin, qu’un four à pain et une maison appelée par les Pleauliens      la « maison du commandeur » avec une ancienne tour et à l’intérieur une grande cheminée.

    De la chapelle incendiée en1363 et reconstruite en 1453 seul un chambranle en pierre de taille est encore visible…sur le mur d’une maison du village du Verdier. Une jeune fille du nouveau propriétaire devant épouser un jeune homme du Verdier voulut emporter un souvenir de Rosson. Son père lui donna l’entourage en pierre de la porte de la Chapelle  et elle en fit la porte d’entrée de la maison que le couple bâtit au Verdier.

    Un souterrain long d’environ 3 km va de Pleaux au château de Prades. Destiné à la fuite ou à la sauvegarde des biens et des personnes en cas d’attaques ennemis, il est aujourd’hui encore  bien accessible.

     

    Le hasard ou la  providence sont parfois de précieux alliés.

    En 2004 , arrive chez moi un jeune homme envoyé par les gendarmes. Il revient d’une visite à Enroussou. Les propriétaires le prennent pour un maraudeur et téléphonent à la gendarmerie pour signaler la présence d’un individu suspect. Quand il explique aux gendarmes qu’il prépare un doctorat d’histoire dont la thèse a pour sujet «  Les Chevaliers de Saint-Lazare de Jérusalem »…ceux-ci me l’envoie. Après lui avoir donné quelques renseignements, il prend rendez-vous pour une nouvelle visite c’est alors que nous parcourons ensemble une partie du souterrain.

    Nous partageons notre grand intérêt  pour les chevaliers et sommes restés de grands amis. Il viendra à Pleaux en 2012.

    En 2005 Un monsieur m’appelle au téléphone et se présente : Monsieur Gauthier, chevalier de Saint-Lazare de Jérusalem, Commandeur d’Auvergne. Hésitant entre le canular d’étudiant et une très agréable surprise j’opte avec raison pour la deuxième solution. Michel Gauthier est venu me voir et nous avons organisé une visite à Pleaux d’une dizaine de Dames et de Chevaliers. Ils sont venus en septembre 2005.

    En 2006 je prépare une nouvelle réception pour les Chevaliers accompagnés de leur Grand Maître, là, l’abbé a une violente réaction ….j’annule tout, je fais le dos rond et j’attends.

     

     Mais voici qu’un nouvel abbé arrive à Pleaux : le Père Henri-Dominique Roze. Naturellement je lui parle de l’Ordre de Saint-Lazare et un jour, au cours d’un déjeuner, il me conseille de reprendre contact avec les Chevaliers. Lui-même est disposé à les recevoir. Ce que je fais séance tenante. C’est  Michel Gauthier, et oui, encore lui ! Qui répond. Il me propose d’aller en pèlerinage à Jérusalem et de rejoindre l’Ordre. Quelle magie, je me sens emportée dans un tourbillon, ça c’est passé si vite !

    C’est ainsi que du 21 au 26 mars de cette année je suis allée à Jérusalem. Dans les pas du Christ j’ai vu Bethléem, Saint-Jean d’Acre, Jéricho, la Mer Morte, le Mont des Oliviers…

     Le  vendredi 25 mars à la basilique du Saint-Sépulcre, en la chapelle d’Arménie  j’ai participé à la veillée d’armes. Je pense à ces chevaliers qui, au Moyen-âge passaient toute la nuit en prières, à genoux,  avant d’être adoubés.

    Le samedi 26 mars, en l’église Sainte-Anne, je reçois  des mains de Monseigneur Garrard

    le manteau noir à Croix Verte des Chevaliers de Saint-Lazare.

    Ce vendredi 9 septembre 2011 c’est à Pleaux, en l’église  Saint Jean Baptiste  que se tiendra la veillée d’armes pour  2 femmes et   9  hommes.

    Le lendemain, en cette même église sera remise à chaque postulant la cape par Monseigneur Garrard.

    Deux frères seront adoubés et  accèderont au rang de  Chevalier.

    Mais je rêve….un rêve qui devient réalité

    Et si la commanderie de Rosson revivait……

     

    Et si pour commencer concrètement à faire vivre cette commanderie nous offrions à l’unité Alzheimer de l’hôpital de Mauriac un aquarium de 400 litres  pour créer un centre d’intérêt pour les patients atteints de cette cruelle maladie ?

    Et si nous étudiions la possibilité de créer, pour les drogués et les « cabossés de la vie » un centre de réinsertion ?       

    Et si   Et si….

     

     

    Les rêves de Jeannette interprétés par Chrislaure Paludet

     


     

     

     

     

     

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Vendredi 20 Août 2021 à 10:08

    Magnifique voyage dans le temps et l'espace. Superbe travail, mieux : une passion entre les oreilles.

    On devrait décerner des médailles aux personnes qui sont désireuses de raconter l'histoire dans le présent.

    Cordialement

    Gérard Pinski

     

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